On a trouvé dans un dépôt-vente une vieille Henri Miller des années 60; Table massive, petit chevalet jazz minimal, petit cordier simple en bout de caisse, mécas d'époque foutues: comme d'habitude, le boutons ayant cassé, un abruti l'avait accordée "à la tenaille", et avait fini par bouffer les axes en laiton, puis par les casser....
Le joint de manche avait joué, ce qui fait que l'action restait correcte, mais que l'angle sur le chevalet était de 1°; Face à ce choix crucial entre du bon angle et de la bonne action, le proprio avait résolu le problème en poussant le chevalet en bout de caisse, à 1 cm du cordier, et donc "elle est pas juste" disaient les clients.
La touche était en hêtre teinté, les frettes en laiton. Mais la guitare n'avait pas un pain ! pas une rayure, impeccable guitare de soigneux inutilisable;
Le cahier des charges était simple : "qu'elle joue aussi bien que la ES330, et qu'elle sonne comme une martin O18"... Autant viser haut!
- J'ai viré la touche en hêtre noirci et les frettes calamiteuses, et nettoyé le plan de joint de la future touche.
- J'ai défoncé un canal de 11 x11 mm, et j'y ai mis une longueur de tube acier carré de 10 x10mm, bien noyé dans de l'epoxy.
- J'ai préparé une touche à pas cher : j'ai en effet un fagot d' ex "lattes de salle de bain" dans un bois infernal, dur comme du fer, qui fait des échardes assassines, et que j'ai récup gratos en cotes suffisantes pour y faire deux touches; donc, une touche faite là dedans, avec des frettes de chez Stew mac, taille standard Martin.
-J'ai chauffé le couteau à séparer les joints et décollé le dos.
- J'ai viré tout le bracing de la table : facile, y'avait trois grosses barres transversales triangulées de 20mm de haut et 8mm de large.
- J'ai poncé tout l'intérieur de la table jusqu'à avoir une surface clean.
- J'ai monté un super barrage en "X" depuis l'arrière, en utilsant le ciel d'ébéniste. J'ai fait un joli barrage "genre Parlor", en épicéa des Vosges récup' qui a près de 100 ans et quand il y a un bout qui tombe par terre , il sonne comme un diapason! Notez que je mets toujours une "clé" pour fermer le "X", c'est plus joli!



- J'ai refermé la caisse en utilisant une astuce pour rattraper mon joint de manche : j'ai mis une longueur de 50 x 20 mm en bois dur fixée au manche et dépassant jusqu'à l'arrière de la guitare; j'ai mis une cale correspondant à la hauteur de chevalet complète que je voulais : ça a un tout petit peu "plié" la gratte en arrière.
-J'ai mis de la contre-éclisse "inverse" en tilleul pour rigidifier mon joint arrière, et ça m'a permis de finir toutes mes chutes de contre-éclisse qui j'avais gardées..
-J'ai refermé le dos à la Titebond.
- J'ai collé la touche frettée à la Titebond
- J'ai re- profilé le manche à la râpe en copiant les cotes du manche de ma ES 330, et c'est ce qui m'a pris le plus de temps, puis j'ai fini avec les abrasifs, de 100 à 600.
- J'ai taillé un gros sillet en os de boeuf.
- J'ai mis des nouvelles mécas (les moins cheres de chez Lutimate), les cordes, un faux cordier fixé avec une presse à cames, et j'ai calculé la position du chevalet
- j'ai dégagé le vernis sous le chevalet avec du décapex et une mini spatule... Faut pas dépasser, hein!
- J'ai collé le chevalet à la Titebond, un simple "Martin" de chez Stew-mac dont j'ai enlevé le "belly" à la dozuki.
- J'ai taillé et poli et ajusté les sillets
- J'ai fait un "Fret-Job" de la mort jusqu'à ce que ça soit parfait.
ET ça donne ça:


C'est une guitare qui a le look de ce qu'elle est : une vieille guitare française d'atelier des années 60.
Elle est facile à jouer comme la Gibson, on y fait de bends et on choruse sans aucun souci, et la main gauche se sent sur une électrique bien réglée.
Elle sonne super-bien : puissante, claire, un peu criarde vu les bois de la caisse, mais avec des basses étonnantes : elle a un peu du son des Martin petite caisse; j'en attendais pas tant. Et elle m'a couté certes du temps, mais surtout presque rien!